Ces quelques notes ont été puisées pour la plupart dans deux livres remarquables:
"The true history of tea" V.H. Mair et E. Hoh - Thames & Hudson
"L'Empire du thé" K. Rougeventre - Michel de Maule/Felix Torres
Dans la nuit des temps...
Le théier est un Camélia qui prospère sur les sols sédimentaires demandant un peu d'ombre et des pluies régulières et abondantes. Les théiers d'altitude produisent les cueillettes les plus fines.
Depuis des millénaires, les théiers se trouvaient à l'état naturel sur une vaste zone allant de l'Assam, du nord de la Birmanie, de la Thaïlande, du Vietnam au sud-ouest de la Chine (Yunnan et Sichuan).
Au pieds des Himalayas, c'est un climat subtropical, il ne gèle pas, les pluies sont régulières au long de l'année.
Le thé est connu et consommé par les ethnies locales, mâché,
fermenté depuis 1000 à 2000 ans avant notre ère.
Cultivé, infusé, le thé se répand...
En -59, on trouve la première mention de "bouillir le thé" chez un lettré chinois. Il est déjà cultivé à l'époque des Royaumes combattants (-453 à -246).
Le thé est sommairement étuvé, broyé , comprimé en galettes et séché. On le consomme avec toutes sortes d'ingrédients: échalotes, gingembre, jujube, écorces de mandarine. Il s'agit plus d'une soupe de thé.
Lu Yu: le thé devient le thé...
Sa culture et sa consommation se développent de plus en plus jusqu'à devenir sous les Tang (618-907)un pilier économique et culturel de la
civilisation chinoise. C'est une affaire sérieuse qui est codifiée par Lu Yu dans son Classique du Thé: les différents crus, les
ustensiles, la préparation, les meilleures eaux, tout est détaillé pour ritualiser ce moment magique.
"Pour faire le thé, il suffit de le cueillir, de l'étuver, de le pilonner, de le former [galettes ou "gâteaux" avec un moule], de le sécher [sur une grille, à 1m20 au dessus du charbon de bois],
d'attacher [les galettes ensemble] et de le sceller [dans un panier spécial]".
On doit ensuite chauffer doucement la galette sur un feu, l'attendrir, la moudre et la tamiser pour arriver à une sorte de poudre. On met l'eau à bouillir et quand les premières bulles apparaissent, on jette une pincée de sel, quand elles roulent le long du bord on ajoute le thé puis à l'arrivée des gros bouillons, le thé moussu est servi à la louche dans les bols.
Ce culte du thé atteindra son paroxysme sous les Song (960-1279).
Sur ce détail d'une peinture Song, on voit nettement à l’œuvre un moulin perfectionné qui donnera une poudre de thé fine, l'autre serviteur verse avec une aiguière l'eau chaude sur cette poudre qu'il mélangera avec le fouet de bambou posé sur la table jusqu'à obtenir une mousse de bon aloi. C'est cette technique que les moines japonais ramèneront au 12ème siècle et qui est toujours utilisée pour faire le matcha dans la cérémonie du thé ou chez soi.
A la différence des Song qui utilisaient un thé sous forme de galettes sophistiquées (Wax tea), le matcha est produit directement à partir des feuilles de Tencha, un thé vert longuement ombragé et riche en acides aminés.
Puis vint le thé en feuilles, notre thé...
Depuis les Tang et plus encore sous les Song, les paysans chinois sont durement exploités pour produire le thé.
Monopole de l'état, prix imposés, corvées pour fabriquer les précieuses galettes impériales,ce qui était une culture de rapport devient synonyme d'appauvrissement et d'endettement.
Hongwu, le premier empereur Ming (1368-1644), issu de la paysannerie, interdit la fabrication du thé en galette qui "surimpose l'énergie du peuple". Le thé sera produit en feuilles. Dans le même temps, les moines des montagnes de Songluo dans l'Anhui découvrent une nouvelle méthode de cuisson: en remuant et agitant les feuilles et bourgeons frais de la cueillette sur un wok très chaud (au lieu de les étuver), on arrive aussi à arrêter l'oxydation mais à mieux conserver la couleur, les arômes et la saveur du thé vert.
De nos jour, il est toujours essentiellement fabriqué de cette façon en production artisanale. On peut appeler cela torréfaction ou fixation.